7 420 000 euros. C’est le montant moyen perçu en 2023 par un patron du CAC 40, soit plus de 370 fois le salaire médian en France. Ce chiffre, jamais atteint depuis plus d’une décennie, illustre la dynamique incontrôlable des hautes rémunérations, malgré l’avalanche de discours sur la modération.
La réglementation actuelle prévoit bien un vote consultatif des actionnaires sur les rémunérations, mais ce mécanisme reste sans réelle portée. Plusieurs PDG cumulent salaires fixes, bonus, actions gratuites et retraites supplémentaires, créant une mosaïque de revenus souvent déconnectée des performances affichées. L’écart avec le reste des salariés ne cesse de se creuser, alimentant la critique sur l’équité au sein des grands groupes français.
Combien gagnent réellement les patrons du CAC 40 ? Chiffres clés et tendances récentes
Les chiffres frappent par leur ampleur. En 2023, la rémunération moyenne d’un dirigeant du CAC 40 a grimpé à 7,4 millions d’euros, selon Proxinvest. En une seule année, cette moyenne a bondi de 20 %, atteignant un niveau inédit depuis plus de dix ans. La part variable domine largement : plus de 60 % des rémunérations proviennent de primes indexées sur les résultats financiers ou la performance boursière. Le salaire fixe, lui, stagne autour d’un million d’euros.
Les écarts individuels restent spectaculaires. Certains dirigeants se démarquent nettement : Carlos Tavares (Stellantis) flirte avec les 36 millions d’euros, loin devant la moyenne. D’autres, comme Luca de Meo (Renault) ou Patrick Pouyanné (TotalEnergies), se situent dans une fourchette de 5 à 10 millions. Chez Hermès, Axel Dumas, ou chez LVMH, Bernard Arnault, les rémunérations apparaissent plus stables, mais des attributions d’actions ou d’options gonflent la valorisation sur le long terme.
Voici comment se répartissent généralement les montants perçus par les dirigeants :
- Rémunération fixe moyenne : 1,2 million d’euros
- Variable à court terme : 2,7 millions d’euros
- Variable à long terme (actions, options) : 3,5 millions d’euros
Le recours massif aux actions de performance vise à rapprocher les intérêts des PDG de ceux des actionnaires. Pourtant, la fracture avec les salariés se creuse encore. Les assemblées générales surveillent ces évolutions, mais peinent à infléchir la dynamique : les rémunérations des dirigeants du CAC 40 poursuivent leur ascension.
Des écarts de rémunération vertigineux : comment se justifient-ils face aux salaires des employés ?
La disproportion s’accentue. Tandis que les patrons du CAC 40 touchent en moyenne 7,4 millions d’euros par an, le salaire moyen d’un collaborateur dans ces entreprises dépasse rarement 55 000 euros brut. Le rapport est saisissant : 1 à 135. Autrement dit, il faudrait plus d’une vie professionnelle à un salarié pour atteindre ce qu’un PDG gagne en douze mois.
Pour défendre ces montants, les conseils d’administration avancent un argument : attirer et récompenser des profils capables de gérer des groupes d’envergure mondiale. Le variable, souvent décisif, pèse lourd dans la balance : la rémunération dépend fortement des résultats et de la performance, répondant aux exigences des actionnaires. Chez Stellantis, Carlos Tavares, ou chez Teleperformance, Daniel Julien, la part variable a parfois représenté plus de 90 % de la rémunération totale lorsque les objectifs étaient largement dépassés.
Mais à chaque assemblée générale, la légitimité de ces écarts revient sur le devant de la scène. Les syndicats dénoncent une fracture croissante. Les directions, elles, invoquent la nécessité de créer de la valeur pour les actionnaires. Le débat se tend, d’autant que la loi oblige désormais à publier le ratio d’écart de rémunération entre PDG et salarié moyen. Les chiffres s’affichent, sans fard.
Rémunérations des dirigeants : vers plus d’équité ou un statu quo inévitable ?
La politique de rémunération des dirigeants du CAC 40 demeure un marqueur de tension sociale, qui refait surface à chaque publication de rapports annuels. Les conseils d’administration adaptent les grilles, multiplient les indicateurs de performance, ajoutent désormais des objectifs liés au climat, à la parité, aux critères ESG ou à la conformité avec la CSRD. Mais dans la réalité, la part variable continue de dominer la structure des packages des PDG.
Les actionnaires, davantage concernés par ces enjeux, exercent leur droit de vote consultatif sur les rémunérations. Ce “say-on-pay”, inspiré des pratiques anglo-saxonnes, n’a pas bouleversé les équilibres : la plupart des résolutions passent largement, même lorsque les montants dépassent dix millions d’euros chez Stellantis ou Teleperformance. Les contestations existent, mais restent concentrées sur quelques figures.
Du côté des entreprises, le discours se modernise. Engie, Orange ou Veolia mettent en avant la féminisation des comités exécutifs ou la diversité des profils dirigeants. Les nouveaux standards européens (CSRD, ESRS) poussent à intégrer davantage de critères ESG. Pourtant, la rémunération moyenne au sommet du CAC 40 augmente toujours, portée par la reprise des profits et la hausse du marché boursier. Sous des apparences renouvelées, la structure profonde des rémunérations évolue peu.
La pression politique se fait plus forte, la société s’interroge, les conseils d’administration peaufinent leur communication. Mais la mécanique qui régit les rémunérations des patrons du CAC 40, adossée à la comparaison internationale, résiste. Jusqu’à quand ?


